Devinette pour tout le monde à partir d'un texte de Mich

PARTAGER

Trouvez le nom de la nouvelle de Maupassant évoquée ici, dans cet extrait d'un roman (Resuscitare) en cours de rédaction.

 

          La porte d’entrée, rouge dans mon souvenir, était maintenant bleue, mais ensuite, tout était comme avant, charmant, coquet et crème. Après avoir installé mes petites affaires à l’étage, ma trousse de toilette dans la salle de bains, mes quelques habits dans la commode et deux ou trois accessoires érotiques sous l’oreiller, je suis redescendu dans le séjour pour y poursuivre la lecture des nouvelles que j’avais emportées. J’en étais à XXXXXXXXXX (titre à trouver), l’histoire de quelques privilégiés indignés par la présence d’une prostituée dans leur diligence en route vers Le Havre, en 1870. Pendant que je suivais les personnages dans leur périple, l’imminence de mon rendez-vous et l’outrage aussi à mon attachement pour Ana qu’il constituait me troublèrent tant que j’eus besoin de sortir prendre l’air. XXXXXXXXXX offrait de quoi se restaurer aux autres voyageurs. Ils étaient si affamés qu’ils acceptèrent finalement du haut de leur piédestal de délester indulgemment de presque toutes ses provisions la malhonnête, la moins que rien, l’infréquentable catin.

 

            La Thyne Road faisait partie d’un quartier ouvrier à l’origine, avec ses maisons rangées l’une contre l’autre sans que l’une ne dénote jamais de l’autre ni par sa taille ni par sa forme. Seuls les couleurs et quelques aménagements parfois heureux, parfois moins, les distinguent. Devant chacune d’elles, un jardinet ceinturé par un muret qu’on dirait spécialement fait pour s’y asseoir. Installé sur l’un d’eux avec mon livre, à l’ombre d’une haute haie, j’avais oublié le temps qui passait. Mon téléphone sonna et s’interrompit aussitôt. Il était déjà 19 h 01. J’ai relevé la tête et je l’ai vue, son dos appuyé contre la porte bleue. Celle que j’avais imaginée vêtue comme on songerait qu’une galante s’habille portait des baskets, un jeans pas tellement moulant, un sweat-shirt «What the phoque» et une casquette de base-ball. Pendant qu’elle pianotait sur son smartphone, sûr qu’elle ne m’avait pas aperçu, je la détaillais. Mon téléphone vibra. Textos.

 

      «Je te vois, Patrice. LOL. Tout va bien?

      — … (hésitation)

      — Tu as changé d’avis?

      — … (hésitation)

      — Tu préfères que je parte?

      — Non! Reste, s’il te plaît, Antonia.

      — Tu viens alors ou on continue à s’envoyer des textos durant quatre heures? Ça va faire mal aux doigts. LOL.

      — … Non, viens, toi, s’il te plaît.

Elle a traversé la rue dans ma direction, son téléphone à la main et un grand sac en tissus accroché à son épaule. Sa démarche, légère sans être insouciante, rappelait, qui sautille sur la pelouse, le merle qui n’oublie pas le chat. Elle s’est assise près de moi, à ma gauche, un peu en contre-jour, sous le soleil qui commençait à baisser.

 

      «Je ne veux pas te prendre en traître, Patrice. Je dois te dire que le compteur tourne…

      — Merci. Je sais. Ne t’inquiète pas. Tu as un drôle d’accent…

      — Oui, je viens de l’Est. On dira que je suis ukrainienne si tu tiens avec les Ukrainiens. Si

      tu es plutôt pour les Russes, alors mettons que je sois russe et n’en parlons plus, ok? Parle-moi de

      toi plutôt, Patrice. 

      — Non, toi, parle-moi de toi, s’il te plaît.»

À la sortie du conservatoire de danse, après trois saisons à faire des fouettés sur le «Lac du cygne», elle avait finalement quitté sa région natale pour atterrir seule ici sans papier où rien de suffisamment lucratif ne s’était présenté à elle sauf exotic pole dancer dans un bar. Petit à petit, la technique, les rencontres, la nuit et la faune l’avaient fascinée et, de fil en aiguille, elle s’était retrouvée escort girl. Une XXXXXXXXXX moderne, si on veut, mais qui planifiait elle-même ses horaires, choisissait qui elle voyait, qui elle ne voyait pas et organisait des soirées, parfois démentes, avec ses amis et amies «formidables, tu sais». Elle avait même pu s’offrir un petit appartement en bord de mer après que sa situation ait été régularisée. «C’est plutôt pas mal, non?» Le truc qui gâche tout, la mouchette dans le verre de vin, c’était le mépris qu'elle ressentait à travers certains regards. Deux heures de méditations, très tôt, chaque matin, arrivaient presque à en venir à bout. Et puis, elle pouvait compter sur ses nouvelles amies, Peggy et Violette, qui étaient tout pour elle depuis que sa famille, plutôt qu’une fille aux mœurs légères, avait préféré ne plus avoir de fille du tout. Mon estomac gargouilla.

 

«Tu veux des Chips?

— J’dis pas non.

— Mâche doucement, ce seront sûrement les chips les plus chers de ta vie!»

On a ri pendant qu’elle sortait un paquet de Walkers au sel et deux canettes de Carlsberg de son sac et on a encore parlé de son monde carrément plus drôle que le mien. À 23 heures, quand son smartphone lui rappela qu’il était temps de quitte son rendez-vous, la nuit était tombée et la rue baignée par l’éclairage public nous donnait un peu un air de seuls au monde dans le quartier endormi. «Ce soir, à minuit, viens au Secret comedy Club. C’est une revue cabaret que j’organise. Tu verras, on rigole bien là-bas…et les cocktails sont super bons… et puis j’aurai aussi quelqu’un à te présenter, Yazid. Je suis sûre que vous aurez des tas de choses à vous dire.» Elle m’a tendu un carton d’invitation doré «Tu seras en VIP! Aux premières loges, quoi! À tout à l’heure, Patrice.» et elle s’est éloignée comme Cendrillon rejoignant en courant sa diligence.

 

           


Publié le 11/11/2025 / 5 lectures
Commentaires
Publié le 11/11/2025
‘Boule de Suif’ ! La morale est parfois plus légère qu’une valise de chips ;-)
Publié le 11/11/2025
"La morale est parfois plus légère qu’une valise de chips" ???
Publié le 11/11/2025
J'allais écrire la même chose car c'est l'un des textes de Maupassant qui m'avait le plus marqué jeune. La prostituée dans la diligence avant tout le reste qui m'a fait deviner. D'un roman, on peut se rappeler plus d'un personnage ou d'un paysage ou d'une ambiance, enfin, je pense. De Frison Roche par exemple, je me souviens plus des descriptions des montagnes car je les voyais, mais de la force de ses "héros" ordinaires aussi.
Connectez-vous pour répondre