Une discussion anodine. Soudain, j'en suis le sujet. Il me dit : « Ça va, tu es en forme ! Tu as le sourire ! ». Oui, parfois. Mais pas aujourd'hui. Tu ne peux pas savoir, tu n'as pu que suivre la courbe des apparences. Un sourire, un rire avec toi et les autres, quelques réactions, et ça va.
Non, ça ne va pas. Je suis très fatiguée. Mais ça tu ne le vois pas. Tu ne peux pas le voir si je ne le dis pas. Ce n'est pa inscrit sur mon visage. Mon corps est épuisé. Il a du mal à suivre. Toi, tu fais avec ce que tu perçois. Ce décalage m donne le tournis, j'apprends à m'y faire. C'est plus facile quand je ne ressens pas autant la douleur. Là, je sens qu'il creuse ma solitude. Je suis seule avec la réalité. Ma réalité. Celle qui percute la tienne.
Tu penses que tout va bien, il n'en est rien. J'ai envie de dormir. Pas n'importe où. Entre des bras chaleureux. J'ai l'impression d'avoir froid en y pensant, j'ai besoin de me réchauffer. C'est presque un fantasme. Comme un enfant dans les bras de sa mère. J'ai encore vécu un peu trop fort. Un peu trop vite. Un peu trop loin. Un peu trop intense. Je n'y peux rien, je suis comme ça. J'ai des cicatrices. Et une sensibilité.
Tes yeux me croient en forme. Croire n'est pas prouver. Je sais que tu es dans l'illusion, toi tu ne le sais pas. Tu n'en sais rien parce que je souffre en silence. Ce n'est pas un choix. C'est difficile de parler, alors quand j'entends des « Pourquoi tu n'as rien dit ? » je me retiens de hurler. Vous ne pouvez pas comprendre, ce n'est pas de votre faute. Je prends donc sur moi. Je prends sur moi en nourrissant l'espoir qu'un jour ma langue se déliera. À l'écrit c'est plus simple. À l'oral c'est une autre histoire. Oui, un jour peut-être. Pour l'instant c'est le non-dit qui me vient.
Tu me penseras toujours en bonne santé à ce moment là. Tu ne sauras jamais. Je suis la seule à connaître la vérité.
Plus j'écris, plus j'ai le ventre noué. Une ligne, un noeud dans l'estomac.
Lucie R.
(Le texte n'est pas libre de droits.)