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La Fée et la Princesse
Le Royaume du Silence

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Il était une fois, au nord de l’Europe, un royaume nommé Noréa. Un pays de blancheur et de silence, où les flocons descendaient du ciel comme des pensées qui n’osent plus se dire. Les montagnes y dormaient sous des voiles d’argent, les lacs se figeaient au premier souffle d’hiver et le vent, même lui, semblait y marcher sur la pointe des pieds. Autrefois, Noréa brillait d’une lumière vive. Les rivières chantaient sous les ponts de pierre, les villages résonnaient de musique et les jardins du palais s’emplissaient de fleurs rares. Mais cela appartenait à un autre temps. Depuis plusieurs années, la joie s’était tue et plus aucun rire ne franchissait les murs du château.

Le froid n’épargnait personne. Dans les ruelles, la neige montait jusqu’aux seuils et les portes s’ouvraient difficilement. Les puits restaient pris par la glace, l’eau dormait au fond et on cassait des blocs pour tenir jusqu’au soir. Les champs n’offraient que leur sommeil blanc. On brûlait le bois avec parcimonie, on raccommodait les gants au coin d’une flamme courte. Le marché de la grande place n’était plus qu’un cercle de neige balayé par le vent. Quelques silhouettes y passaient encore, un pain contre quelques bûches, une étoffe contre une poignée de baies séchées. Les enfants sortaient peu. Leurs joues avaient perdu leurs couleurs et leurs jeux se faisaient à voix basse, comme si le monde pouvait se briser d’un rien.

La cause avait un nom, Ysaline, la princesse au cœur scellé. Elle régnait seule depuis la disparition du roi Thérian et d’un amour qu’elle n’avait jamais osé nommer. Son visage, d’une beauté presque irréelle, semblait taillé dans le givre. Ses yeux d’un bleu très pâle ne reflétaient plus rien, ni la tendresse, ni la colère, ni même le souvenir. On disait qu’un jour son cœur s’était brisé si profondément qu’il s’était changé en cristal. Depuis lors, Noréa s’était figée à son image. Les saisons s’étaient confondues, la neige ne quittait plus les toits et les arbres ne connaissaient plus le printemps.

Les serviteurs marchaient en silence dans les couloirs du palais, craignant que le moindre bruit ne réveille la peine de leur souveraine. Dans la grande salle, Ysaline trônait seule, drapée d’un manteau de velours bleu nuit, le regard perdu vers l’horizon immobile. Chaque soir, elle veillait jusqu’à la dernière étoile, attendant sans le dire quelque chose qu’elle croyait pourtant disparu. Une chaleur, un souffle, un signe peut-être. Mais rien ne venait. Le froid tenait bon et la solitude régnait.

Pourtant, loin au-delà des montagnes, dans un monde où la brume a la douceur des rêves, une lumière s’éveillait. Une lueur fine et vivante, assez forte pour percer le voile des neiges éternelles. Son nom était Liora. Et sans le savoir encore, c’était vers Noréa qu’elle allait voler.

Publié le 14/11/2025 / 11 lectures
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